Parc Dolores, San Francisco [USA]

Will est né ici, près du parc Dolorès dans le quartier de Mission à San Francisco.

Franchement, il ne reconnaît plus sa ville.

San Francisco, et non pas Frisco ou San Fran comme disent les cons, est le berceau de l'accueil à la californienne. C'est l'American Dream avec l'acceptation de ne pas faire de fric à tout prix. Les gens ne vous bousculent pas dans la rue d'un air important et excédé comme à New-York. On y aime les plaisirs immédiats et illégaux comme partout, mais l'atmosphère est comme le temps, cool, parfois embrumée, parfois glaciale et pluvieuse comme un réveil difficile.

Les vétérans du Vietnam, ou les victimes de pathologies psychologiques se sont mis à affluer au moment où Reagan, alors gouverneur de Californie a fait fermer les hôpitaux psychiatriques, dans cette ville où les exclus ont su se battre pour avoir le droit d'exister, LGBT à Castro ou baba-cools à Haight-Ashbury. La mairie avait mis en place des subventions, embauché des travailleurs sociaux et les laissés pour compte de l'industrie cinématographique, comme les inadaptés de la société sans couverture sociale y ont trouvé à un moment une possibilité de refuge, pas comme à New-York où le maire avait tout simplement mis en place un arrêté repoussant en dehors des frontières de la ville les “homeless”.

Mais il y a une vingtaine d'années, sont arrivés des petits génies du web, certains payés comme des secrétaires d'Etat, d'autres séduits par ces boîtes dirigées par un adolescent à capuche qui leur a installé jeux vidéos, billards, salle de gym et cantines bios et gluten-free, salles de siestes ou caissons d'oxygène sur le lieu de travail. Ce qui était au départ un épiphénomène est devenu une lame de fond.

Will a perdu son emploi dans l'imprimerie, un secteur qui pourrait un jour totalement disparaître car il ne connait personne qui ait dépensé 25 dollars pour s'acheter un livre dans son entourage. Son quartier, où les répliques des Painted Ladies sont nombreuses, a été peu à peu racheté à prix d'or par les “Techies” de Google ou Yahoo. Lui et ses parents ont dû déménager à l'Est de la ville, à Oakland où les bandes tiennent les murs toute la journée. Ils ne sont pas méchants, mais déprimants.

Il a l'embonpoint du “junk-fooder”, celui qui se nourrit au Walmart de sacs de pop-corns gros comme des oreillers et de boissons sucrées, qui ne sait plus à quoi ressemble un repas familial à table.

Il revient souvent dans ce parc vallonné avec ses jeux pour enfants, ses habitants qui lancent la balle à un chien d'une race hors de prix à l'aide d'un appareil sophistiqué qui évite de se baisser.

Il a décidé de contrer le destin : il s'est mis au vélo, a arrêté d'acheter des barres glacées sans réfléchir et dans son sac à dos, il y a des livres sur la création d'entreprise : un jour, il reviendra habiter dans son quartier.

Parc Dolores, San Francisco [USA]
Parc Dolores, San Francisco [USA]


Isabelle

Je joue à l'écrivain avec ces articles qui mêlent histoires et images et sont le reflet de mes émotions de voyages : mes RAW-TRIP STORIES. Les textes sont à considérer comme des fictions et, même s’ils sont inspirés par nos rencontres, nos ressentis, toute ressemblance avec une personne existante ou ayant existé ne serait, franchement, que pure coïncidence.

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